Jeu vidéo et escapisme dans la littérature allemande actuelle. Deux facettes d’un même thème : Extraleben (Constantin Gillies) et Das Amulett (Herbert Genzmer)
Mots-clés :
Littérature allemande, Herbert Genzmer, Constantin Gillies, escapisme, jeu vidéoRésumé
Cet article s'attache à la représentation du jeu vidéo dans la littérature allemande actuelle et montre, grâce à l'analyse de la trilogie « Extraleben » (parue à partir de 2008) de Constantin Gillies ainsi que du roman « Das Amulett » (1995) de Herbert Genzmer, que, dans les œuvres littéraires, l'utilisation du jeu vidéo est souvent assimilée à une fuite. « Extraleben » suit le parcours de deux amis à la situation sociale et relationnelle peu enviable, qui trouvent leur réconfort dans le retrogaming, leur passion commune. Rejouer à des jeux vidéo anciens constitue pour eux une parenthèse dans ce monde insatisfaisant, l'expérience ritualisée et maîtrisée d'un monde parallèle. Cependant, cette plongée est clairement limitée dans le temps, volontaire et positive. L'on constate ainsi que cet escapisme a des conséquences bénéfiques lors du retour à la réalité : il pousse les protagonistes à l'action, leur permet d'évoluer dans le monde réel, et au final de sortir de leur condition d'adulescents.
« Das Amulett » présente lui aussi le jeu vidéo comme une échappatoire au monde réel, ennuyeux et frustrant. Toutefois, le personnage principal du roman ne choisit pas ici les modalités de sa fuite, puisqu'il est envoyé à son insu dans un monde virtuel par un rival professionnel. L'échappée est donc involontaire, non définie au préalable ; de plus, elle n'a pas de frontière temporelle, car l'anti-héros se retrouve prisonnier d'un jeu effrayant et incompréhensible, dans lequel il erre jusqu'à la folie. En élargissant les conclusions à d'autres œuvres, l'on constate que le jeu vidéo est fréquemment décrit comme un escapisme pour des personnages en manque de repères dans le monde réel. La virtualité est ici une expérience totale et vraisemblable, un vrai second monde. Au-delà de cette situation de départ commune, ce sont les modalités de la fuite qui diffèrent selon les romans. La valeur idéologique accordée à celle-ci, à savoir son articulation avec le monde réel, est donc variable et signale un questionnement en cours de la littérature sur ce phénomène qu'est le jeu vidéo.
This article deals with the depiction of video games in contemporary German literature and shows, through the analysis of Constantin Gillies' trilogy Extraleben (published from 2008) and Herbert Genzmer's novel Das Amulet (1995) that, in literary works, the use of video games is often equated with an escape. Extraleben follows two friends with an unenviable social and relationship life, who find comfort in retrogaming, their shared passion. To play old video games constitues, for them, an interlude in this unsatisfactory world, the ritualised and mastered experience of a parallel universe. However, this dive into gaming is clearly time limited, intentional and positive. This escapism has beneficial consequences when returning to the reality as well: it forces the protagonists to action and enables them to move on in the real world, and finally to leave their condition of “adultagers” behind.
Das Amulett also presents the video game as a way out from the mundane and frustrating real world. Nevertheless, the main character of the novel doesn't choose the modalities of his escape in this case, as he is unwittingly sent to a virtual world by a rival on a professional project. The escape is thus unintentional, and not defined in advance ; in addition, it has no temporal border since the anti-hero finds himself prisoner of an incomprehensible and terrifying game in which he succumbs to insanity. If we extend the conclusions to other works, it appears that video games are frequently described as escapism for characters lacking guidelines in the real world. Virtuality, in this case, is a total and plausible experience, a real second world. Beyond this shared initial situation, the modalities of the escape differ from one novel to another. The ideological value that is given to this evasion, namely its relationship with the real world, is then variable and indicates an ongoing questioning within literature about a still little-known phenomenon called “video game”.
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